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L’INVITÉE / Alexandra Legros

  • Photo du rédacteur: Katell Magazine
    Katell Magazine
  • 10 avr.
  • 5 min de lecture

L'intelligence de la sobriété



Alexandra codirige La Volumerie, une entreprise de scénographie pour les musées, installée à Broons. La première à utiliser les ressources usagées ou inutilisées des musées pour en créer de nouvelles. Une production « plus intelligente et plus sobre, visant le zéro déchet ». Et une philosophie de vie.


Elle travaille comme elle vit : à 300 %. Dans une équation qui n'appartient qu'à elle : sa vie perso à Toulouse et sa vie pro à Broons. Alexandra est scénographe. Elle codirige la société La Volumerie depuis neuf ans. Avec les « volumiers », elle récupère les scénographies des musées pour en recréer de nouvelles. « Cela représente 500 m2 d'espace de stockage, soit 250 000 €. Nous récupérons tous les éléments, c'est-à-dire qu'il y a les meubles, les surfaces d'exposition mais aussi tout le matériel multimédia. Dans certaines expos nous récupérons des ordinateurs, des écrans de télévision parfois même prévus en double au cas où l'un d'entre eux tombe en panne ». Et une exposition peut représenter trois semi-remorques de matériel ! « Jusqu'en 2024, nous étions des extraterrestres ! J'emmerdais tout le monde avec mes valeurs ! Mais, depuis la loi AGEC, les mentalités commencent à changer et les parisiens nous appellent. Ce qui leur plaît, ce sont les valeurs environnementales et le fait de bénéficier d'un produit fini égal à un neuf. C'est aujourd'hui que notre longueur d'avance est utile ».


Une trentaine de projets par an

La Volumerie conçoit une trentaine de projets par an. D'un support pour une bibliothèque à quelques centaines d'euros à un projet de 150 000 €. « Parfois nous ne nous chargeons que de la conception ou que de la réalisation ». À l'annonce du confinement, elle et Kevin, son associé, ont « flippé » car ils avaient signé de nombreux contrats pour 2020. « Le secteur de la culture s'est effondré mais on a beaucoup bossé. Car, en mai, au premier déconfinement, les musées voulaient rouvrir pour l'été. Donc, à cette date, tout le monde se réveille et il faut livrer pour juillet. Mais il n'y avait plus de matériaux neufs nulle part ! Sauf chez nous ! On a fait appel aux copains intermittents, on a travaillé parfois jusqu'à 4h du matin mais on a tout livré dans les temps ».


S'entourer de visions nouvelles

Kevin et Alexandra sont passés d'entrepreneurs à chefs d'équipe. « On n'y pense pas ! Mais quand on était tous les deux, les problématiques de trésorerie ça ne regardait que nous. Aujourd'hui, on ne peut pas faire ça. On pense en équipe, on doit voir plus loin et on partage beaucoup avec les volumiers ». Entreprendre en duo est un avantage pour elle : « C'est une chance d'avoir Kevin. Je ne me suis jamais sentie seule. Quand nous ne sommes pas d'accord, on sait se parler, poser les choses, être attentifs l'un à l'autre. Quand il y en a un qui est fatigué, l'autre prend le relais ». Ils sont aussi accompagnés par d'anciens entrepreneurs qui se sont associés à leur aventure. « Cinq à six personnes gravitent autour de nous et nous aident à grandir. Elles nous apportent une vision extérieure, un recul que nous n'avons pas le temps d'avoir et nous ouvrent à des visions nouvelles. Même si leur avis est consultatif, cela est important dans notre structuration. Parce que nous avons des millions d'idées, ça peut partir dans tous les sens. Leur concours nous aide à hiérarchiser ».  Aujourd'hui, La Volumerie est victime de son succès. « Nous sommes en surrégime. L'ambition est de stabiliser : que met-on en place pour accueillir au mieux ce succès tout en gérant les problématiques de trésorerie ? Sachant que notre but ultime est d'essaimer notre modèle ».


"Je voulais absolument travailler pour les musées"

Originaire de Dax, la jeune trentenaire a beaucoup « bourlingué ». Elle enchaîne plusieurs écoles de design et effectue sa dernière année, en alternance, à Rennes. « J'étais à l'école à Nantes et en entreprise, spécialisée dans l'événementiel, à Vern-sur-Seiche. J'étais la stagiaire pas chère, l'ambiance était chouette. J'y ai fait de la conception, de l'atelier, du renfort montage. En parallèle, je travaillais dans un restaurant en CDI pour payer mes études ». À la fin de ses études, elle envoie une centaine de CV, reçoit quatre réponses, se rend à un entretien. « Je voulais absolument travailler pour des musées mais je découvre que les agences de scénographie sont petites et qu'elles recherchent seulement des collaborations. Je décide de trouver un statut pour me lancer et, comme j'ai des amis à la coopérative d'activités et d'emploi à Rennes, je les rejoins. Cela me permet d'intégrer un réseau et de répondre à des appels d'offres. Je gagne le premier en conception pour le musée du Château de Mayenne. Kevin s'était aussi lancé de son côté et il a conçu les meubles du projet. La nouvelle scénographie a apporté 25 % de visites supplémentaires ».


Un gisement "gratuit"

Cette première référence amorce le développement. Puis, le duo est sollicité par Les Champs Libres à Rennes et constate que le musée de Bretagne vient de mettre à la benne son exposition temporaire. « Je ne m'étais jamais posé la question. Dans la culture, le planning est rapide entre deux expositions, donc elles sont jetées. Comme ce sont des installations soumises à des normes, nous travaillons tous avec les mêmes matériaux. Nous étions face à un gisement énorme pour lequel les musées payaient au poids pour s'en débarrasser. Cette manne « gratuite » était une aubaine pour nous qui débutions et qui n'avions pas de trésorerie ». Ils proposent alors le design et la conception aux clients. « J'étais obligée de prendre en compte la construction dans le design et Kevin a articulé le fonctionnel, l'esthétisme et l'accessibilité. C'est une force car nous avons une vision des matériaux et ce à quoi ils peuvent être utilisés ».


100 %  raccord

Alexandra n'a pas grandi dans cette culture de la récup' « mais le chemin de la Volumerie m'y a naturellement incitée. Je suis raccord à 100 % avec ces valeurs-là et je les défends au quotidien. Je m'habille en friperie, je m'équipe à la ressourcerie du sport ou je privilégie le made in France. Je vais au marché, je répare, je fais le maximum en vélo ou en train ». Et elle passe beaucoup de temps dans le train entre l'Occitanie et la Bretagne. « Ma vie a changé il y a trois ans. Il n'a jamais été question que je renonce à La Volumerie. J'ai fait confiance. Nous avons mis en place des outils Google pro et des tchats pour le suivi des projets. Je sais, en temps réel, ce qui se passe à Broons. On se dit tout, il n'y a pas de tabous ». Si Alex travaille dix heures par jour, elle a pris conscience de ses limites et s'oblige à trois séances de sport par semaine. « Au début je travaillais non-stop, aujourd'hui j'apprends le lâcher-prise ». L'escalade... le sport idéal pour celle qu'aucune montagne ne semble faire reculer !


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