L'invité / Nicolas Beurrier
- Katell Magazine
- 10 avr.
- 4 min de lecture

Le jeu de Nicolas
Son statut de quadragénaire n’entame en rien son amour du jeu et son humour pince sans rire. Quinze ans qu’il tient la folle promesse d’aller jouer chez vous. Avec une gouaille à mettre les zygomatiques à rude épreuve !
Il promène sa silhouette tout droit sortie d’un conte dans les événements et temps de team building des entreprises. Nicolas tient une promesse dont il a fait sa marque : « J’irai jouer chez vous ». Son trésor : près de 250 jeux en bois, stockés dans une impressionnante remise atelier, dont un doyen de 175 ans ! « On pense souvent que jeu en bois rime avec vieux. Mais non ! J’en achète aussi des récents ». Une quête qui suppose une veille régulière, notamment sur Leboncoin et eBay. Pour autant, il ne se définit pas comme un collectionneur. « Même si je me dis parfois : "un de sauvé !", j’autorise quand même que l’on joue avec des antiquités. Je suis épaté par l’ingéniosité des systèmes, il y a des trucs de dingue ». 70 % de ses trouvailles sont restaurées : « Proposer des jeux en parfait état est la meilleure façon qu’ils soient respectés. Cela est valable quelle que soit la tranche d’âge ou le milieu social ». Si des jeux en bois existent en Bretagne, la culture du jeu est plus importante dans le Nord. « Estaminet est un mot qui ouvre beaucoup de portes. Je me suis intéressé à cette culture populaire du jeu posé sur le comptoir ».
Des rencontres
Dénicher un jeu, c’est s’ouvrir aux surprises : « J’ai fait la rencontre d’objets et de gens incroyables. En même temps que le jeu, je récupère leur histoire. Je me souviens du jeu de quillettes acheté à une jeune fille. Elle le tenait de sa grand-mère, propriétaire d’un bar dans l’Est. Quand elle a su ce que j’allais en faire, ça a été comme un soulagement, il sera bien entretenu et continuera à vivre ». Dans son récit, les histoires semblent aussi précieuses que les jeux. Il arrive qu’il récupère un jeu et, pour en comprendre les règles, qu’il aille à l’Ehpad du coin demander de l’aide aux anciens. « Ce n’est pas vraiment l’objet que je transmets mais les règles. Je démontre que l’on peut avoir autant de plaisir à jouer avec des règles basiques qu’avec des règles compliquées et un graphisme évolué ».
Deux salles, deux ambiances
Destiné à une carrière commerciale, Nicolas opte, après son DUT, pour un diplôme d’État d’animation. « Je passais du commercial à une carrière sociale… deux salles, deux ambiances ». Très impliqué dans le monde associatif et animateur pour enfants, il décroche son premier job dans une association qui accueille en vacances des familles à faibles revenus. Deux saisons et un service civil qui débouchent sur un emploi jeune. « Le provisoire s’est inscrit dans la durée ». Pendant cette période, il est en contact avec une association rennaise qui loue des jeux traditionnels. « Au début on louait. Ensuite, on a fabriqué des jeux pour améliorer notre fonds. Je constatais l’engouement quand les jeux étaient en place, quel que soit l’âge ». Quand il a décidé « de faire autre chose », le concept l’a inspiré. « J’ai eu envie de développer le principe ici. Mais le jeu breton, comme la boule bretonne, est limitant car conditionné à de la sécurité. J’ai cherché une palette de jeux sécures et je voulais un effet différenciant, qu’il se passe quelque chose entre les gens et qu’il y ait une esthétique ». Il se met en quête d’un statut juridique pour se lancer.
Configurer un outil
« J’ai hésité entre le portage salarial, l’autoentreprise, l’intermittence… J’ai finalement démarré en 2010 à la coopérative d’activités et d’emploi Avant-Premières. Mon ancien réseau m’a permis d’avoir mes premiers contrats et d’être visible. Je me suis concentré en premier lieu sur les maisons de retraite, les écoles, les mariages et, ensuite, sur les entreprises. Assez vite, je me rends compte que c’est une économie qui fonctionne. Mon parcours à la coopérative me fait comprendre le modèle qui me permet d’atteindre le chiffre d’affaires que je souhaite ». En 2013, il crée son entreprise individuelle et décide « de configurer un outil pour prétendre à un autre type de clientèle. Pour cela, je sous-traite l’image et les éléments de décor, je configure un outil qui me rend crédible. Tout le monde m’a pris pour un malade mais cela a servi le développement ». En parallèle, il se forme aux jeux coopératifs et l’équipe formée d’Éloïse Warmé, designeuse d’espace, de Ronan Ménard, créateur de décors, et Anthony Baudoux, communicant, imagine un kiosque pour abriter des jeux de petite taille et parer ainsi aux incertitudes climatiques bretonnes. « Quand on n’a pas la compétence, il faut la sous-traiter car le retour sur investissement est important ». Nicolas s’investit ensuite dans les réseaux d’entreprises pour « faciliter la promotion » de son activité : « des espaces ludiques, du lien entre les gens ». Et sa gouaille fait partie de l’équation. « Je leur dis qu’ils vont avoir des jeux mais qu’il va falloir me subir ! » (rires).
Prim’s, la conciergerie du jeu en entreprise
Quinze ans après ses premières parties, le quadragénère anime 60 à 70 prestations à l’année. Un rythme « absorbable » en acceptant « que certaines périodes soient plus secouées que d’autres ». Avec « la satisfaction que ça dure, que mon enthousiasme reste le même ». Et celle d’accepter des « projets de dingue » comme celui pour lequel il se prépare quand je le rencontre. « Je pars à Madagascar une dizaine de jours pour travailler avec un consultant. Le défi est : comment le jeu peut venir en soutien à une session de formation ? Je suis encore surpris des demandes qui peuvent me parvenir, qui me poussent hors de ma zone de confort, à imaginer des formats différents. Ça évite la routine ». Et pour les besoins de cette intervention, 5 000 kapla sont en fabrication. Pour prolonger le partage de sa passion pour le jeu, Nicolas lance, ce printemps, un nouveau projet : Prim’s, la conciergerie du jeu en entreprise. « L’intérêt est de mettre à disposition des jeux qui soient prétexte à l’échange et à la convivialité pendant les temps de pause. Et de les renouveler régulièrement. Un atout bien-être pour les salariés autant qu’une bonne excuse pour se déconnecter du téléphone ». Une expérience challengeante : « car je propose de créer des défis inter-entreprises pour celles qui auront testé les mêmes jeux ». Joueur un jour, joueur toujours !
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